La légende de Dakréos - Episode 5

Cela faisait plusieures heures que Elinaë tenait les rênes de la charette, et le cuir commençait à être vraiment chaud à cause du soleil. Comme chaque année, après la récolte, elle et son père vont moudre leur blé en échange de quelques pièces au moulin, puis revendre la farine à Irantorn, la Grande Cité la plus proche. Bien que maigre, leur cheval tirait le chariot avec vigueur, il s'appelait Espoir, s'était la mère d'Elniaë qui l'avait baptisé ainsi. Son chapeau de paille couvrait sa tête et faisait assez d'ombre pour ne pas que le soleil agresse ses yeux, elle regardait de temps à autres son père qui faisait une sieste à l'arrière du chariot sur les sacs.

Ils arrivèrent à destination en début d'après-midi après avoir fait le tour des boulangeries, tavernes et auberges à qui ils vendaient leur farine d'habitude, Daëlio et sa fille se rendirent à l'auberge du "Poussin Ivre". Il paya une chambre pour sa fille et lui, puis ils s'installèrent à une table près de la fenêtre qui donnait sur la rue pour dîner, leur tournée dans la Cité leur avait prit beaucoup de temps et ils avaient faim.Quand elle entra elle vit deux hommes, chuchoter en la regardant mais elle n'y prêta pas grande attention. Dans l'auberge il y avait beaucoup de bruit, des joueurs de Sélos (un jeu de stratégie très répandu en Daltéhyon) criaient énormément, sans doute ayant mis trop d'argent en jeu. Quatre hommes aux comptoirs riaient grassement et entrechoquaient violemment leurs chopes, ce n'était sans doute pas la première fois de la soirée qu'elles devaient être remplies. Et en plus de tout cela un trio de violonistes s'en donnait à cœur joie dans le fond de cette grande salle. << A croire qu'ils jouent faux exprès ! >> dit Elinaë à son père, et le fit rire
<< - Tu as faim ma fille ? >> lui demanda-t-il
<< - Si j'ai faim ?! Je mangerai un loup entier si je pouvais !
- Le voyage t'as autant ouvert l'appétit ? >> ria son père. Il commanda deux côtes de sanglier aux épices, la spécialité d'Irantorn.

A Irantorn on trouvait beaucoup d'écoles de marines, l'activité portuaire de cette ville étant très développée, cela explique les différentes épices de ce plat, qui ne sont pas cultiver aux alentours. Elle dégusta ce plat, sans même laisser l'ombre d'un reste. Après le repas, ils montèrent à l'étage, la salle avait commencer à se vider, les trois violonistes avaient enfin cesser leur tintamarre, pour le bonheur des tympans d'Elinaë. Dans l'escalier elle suivait de près son père quand quelqu'un la bouscula. Elle lâcha un cri de surprise mêlé à un brin de colère, si peu perceptible caché par sa timidité. Cependant son cri fit s’arrêter la personne devant elle, un peu plus haut dans l'escalier.
<< Qu'y a-t-il ?... >>
C'était une jeune fille qui se retourna, elle devait avoir son âge, elle la regardait, avec un air de défi au fond de l'iris. Elle était debout, au-dessus d'elle dans l'escalier, elle avait dégainé de moitié son couteau. Il était d'un fer d'une blancheur éclatante, le manche était noir verni, orné de motifs dorés légers. Même si elles pouvaient avoir le même âge, elles étaient biens différentes. L'une était sûre d'elle, convaincante, tandis que l'autre était un peu intimidée sans baisser la tête pour autant.
L'ambiance était froide, même glacial, un silence lourd et pesant régnait, comme si l'issue de cette rencontre serait forcément fatale, pour l'une ou l'autre.

<< Cela suffit >> .Un homme vêtu d'un long manteau se tenait dans le couloir, en haut de l'escalier. Elle rangea lentement son couteau, leur tourna le dos, et monta l’escalier sereinement, jetant un dernier regard à Daëlio et sa fille, figés sur les marches de bois, avant de disparaître dans le couloir. << Et bien ! Heureusement que je t'ai mieux éduqué que ça !>> chuchota-t-il à sa fille. Elle sourit à la phrase de son père et le suivit jusqu'à la chambre. Il ouvrit la porte, comme il l'aurait fait pour la porte d'une salle au trésor. Dans la chambre il y avait deux lits pour une personne chacun et une simple armoire, il s'y dégageait une odeur confortable et accueillante. Elle se jeta sur un des deux lits, et décréta que c'était le sien tout à fait arbitrairement. Elle eut une pensée bienveillante pour ses deux soeurs, qui étaient chez Rameda, la femme du boucher de Hobnest, elle s'était déjà occupée de Elinaë quand elle était plus jeune. Elle était une femme de confiance, même si Mély ne l'appréciait pas tellement.
Elle rassembla ses forces, et se mit sous la couverture la tête sur l'oreiller et ferma les yeux. << Repose toi, tu as raison, dors bien>> lui dit son père en lui frottant l'épaule par dessus la couette. Elle eut l'envie mais pas l'énergie de répondre, et s'endormit paisiblement.

Cette nuit à Irantorn sera-t-elle vraiment paisible et tranquille ?...